Note de l'auteur : Voilà une élucubration qu'il n'est pas indispensable de lire.
Le rire est le propre de l’homme. Cette maxime attribuée à mon maître François Rabelais qui est passée à la postérité par Gargantua interposé me paraît bien contestable ; qui pourrait soutenir que le cheval, par exemple, lorsqu’il s’esclaffe dans un hennissement tonitruant, n’imite pas un homme qui rirait à gorge déployée ? De même il serait hasardeux de prétendre que le singe qui entretient avec nous un cousinage certain, jamais ne rit, ne serait-ce que lorsqu’il nous observe à travers le grillage de son enclos et qu’il analyse nos comportements.
Ce préambule est simplement destiné à faire comprendre à mon lecteur que, pour provoquer ce réflexe appelé rire et que l’homme s’attribue indument, point n’est besoin de blague salasse. Ce sera un sourire plutôt qu’un rire, que je l’espère, mon histoire fera naître ...
J’ai récemment retrouvé, dans des circonstances qui tiennent à des recherches généalogiques, un carnet qui avait appartenu à mon grand père. Mon grand père est né dans les Vosges profondes, à Mandres/s/Vair, précisément, le 23 mars 1871. Troisième enfant d’une fratrie qui allait compter treize enfants, dois-je préciser que mon grand-père, dont je vais vous soumettre un écrit, n’a jamais fréquenté l’école publique de la troisième République, cette institution en étant encore à ses premiers balbutiements alors qu’il était enfant. Cependant, nécessité étant mère d’industrie, on le dit, mon grand père s’est ingénié à apprendre seul les rudiments de notre belle langue.
Le carnet dont je parle plus haut, que mon grand père avait intitulé «carnet d’inventaire» contient des copies de lettres qu’il a écrites et je ne résiste pas à vous donner lecture de l’une de celles-ci ; elle n’engendre pas précisément la tristesse.
Mon grand-père était palefrenier dans un haras national.
Ci-dessous le rapport qu’il a adressé à son supérieur hiérarchique : Ce rapport n’est pas daté et ne comporte pas son origine géographique.
«J’ai l’honneur de rendre compte à Monsieur le Directeur, que l’étalon Coquelicot, par suite du grand nombre de juments présentées pour lui à la monte, se trouve un peu épuisé, ce qui provient du manque de nourriture.
«Je demande à Monsieur le Directeur, si toutefois il le juge convenable, une augmentation de la ration journalière de cet étalon»
La lecture de ce rapport, rédigé de la main de mon grand père, avec une calligraphie oubliée de nos jours, m’a beaucoup amusé. J’ai beaucoup aimé la relation de cause à effet qui explique de Coquelocot «l’épuisement» et le remède proposé.
J’espère que d’où il est, mon aïeul ne m’en voudra pas de m’être amusé de sa plaidoirie d’avocat ... d’un étalon épuisé par son labeur.
Heureux coquelicot ! Non content d’exercer le plus agréable métier du monde il se voit, pour accomplir sa mission, le privilège d’un picotin d’avoine supplémentaire !
Pour rire un peu ...
- Robert
- Messages : 26923
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
- Paillon
- Messages : 1575
- Enregistré le : 14 nov. 2015, 20:31
- Localisation : Sud-Est
- Contact :
Re: Pour rire un peu ...
Un sourire par rapport à coquelicot, oui, mais surtout une émotion certaine quand on tient dans la main un document pareil, et pour quelqu'un qui a appris tout seul c'est magnifique.
- béni
- Messages : 2866
- Enregistré le : 28 déc. 2008, 16:30
- Localisation : Strasbourg
- Contact :
Re: Pour rire un peu ...
Ah ah
C'est sympa de retrouver ce genre de document ! Alors quand l'humour peut se mêler à l'histoire, c'est encore mieux !
C'est le genre de chose que je n'ai jamais eu l'occasion de découvrir ! Les seuls documents que je connaissent remontant grand maximum à mes grand-parents, et encore, ça doit se compter sur les doigts d'une main.
Ceci dit ce n'est pas impossible que nous en ayons dans la famille, c'est juste que ça n'est pas transmis quoi !
C'est le genre de chose que je n'ai jamais eu l'occasion de découvrir ! Les seuls documents que je connaissent remontant grand maximum à mes grand-parents, et encore, ça doit se compter sur les doigts d'une main.
Ceci dit ce n'est pas impossible que nous en ayons dans la famille, c'est juste que ça n'est pas transmis quoi !
et la lumière fut
- Tadkozh
- Messages : 31671
- Enregistré le : 11 avr. 2009, 07:27
- Localisation : plein ouest...!!
Re: Pour rire un peu ...
...ma grand-mère maternelle était de 1878. Elle non plus n'avait pas été à l'école de la République et je conserve précieusement une petite lettre qu'elle m'avait faite pendant que j'étais à l'armée, juste avant qu'elle ne disparaisse, me permettant ainsi d'avoir ma première permission après cinq mois "sans retour" au foyer..
Tadkozh
Tadkozh
- Robert
- Messages : 26923
- Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
- Localisation : SARREBOURG
- Contact :
Re: Pour rire un peu ...
C'est bien vrai ... ces documents qui touchent à nos ascendants ont une charge émotionnelle profonde.
J'ai souvenir, car j'ai eu la chance de le bien connaître, des récits oraux de mon grand père. Et gamin j'étais subjugué quand son histoire commençait par ces mots : "Du temps de ma jeunesse ...."
Entre l'époque de sa jeunesse et aujourd'hui, le temps a fait son oeuvre ; et tout ce monde qui évoluait me semble-t-il avec une sage lenteur s'est accéléré en un tourbillon de folie que plus rien ne freine ni ne tempère. Et cette question ancienne revient, sempiternellement : Mais où allons nous ? Nous, humanité. On se la posait naguère ... et elle est bien d'actualité !
Bien cher grand père, si tu revenais aujourd'hui, tu ne reconnaîtrais plus grand chose des choses qui étaient "du temps de ta jeunesse". Moi-même qui atteins l'âge que tu avais quand tu contais tes contes, j'ai bien du mal à m'y retrouver !
Ma mémoire est hélas infidèle. Je regrette de n'avoir pas alors que c'était encore possible savouré et noté tout ce que tu me racontais, bien cher grand père ... cela constituerait aujourd'hui un petit récit savoureux d'histoire locale.
Mais la jeunesse, celle d'hier comme celle de maintenant, a d'autres soucis que d'écouter les vieux raconter leurs histoires ...
J'ai souvenir, car j'ai eu la chance de le bien connaître, des récits oraux de mon grand père. Et gamin j'étais subjugué quand son histoire commençait par ces mots : "Du temps de ma jeunesse ...."
Entre l'époque de sa jeunesse et aujourd'hui, le temps a fait son oeuvre ; et tout ce monde qui évoluait me semble-t-il avec une sage lenteur s'est accéléré en un tourbillon de folie que plus rien ne freine ni ne tempère. Et cette question ancienne revient, sempiternellement : Mais où allons nous ? Nous, humanité. On se la posait naguère ... et elle est bien d'actualité !
Bien cher grand père, si tu revenais aujourd'hui, tu ne reconnaîtrais plus grand chose des choses qui étaient "du temps de ta jeunesse". Moi-même qui atteins l'âge que tu avais quand tu contais tes contes, j'ai bien du mal à m'y retrouver !
Ma mémoire est hélas infidèle. Je regrette de n'avoir pas alors que c'était encore possible savouré et noté tout ce que tu me racontais, bien cher grand père ... cela constituerait aujourd'hui un petit récit savoureux d'histoire locale.
Mais la jeunesse, celle d'hier comme celle de maintenant, a d'autres soucis que d'écouter les vieux raconter leurs histoires ...