Les vieux ...

C'est plutôt "café du commerce" où l'on refait le monde.
Répondre
Avatar du membre
Robert
Messages : 26923
Enregistré le : 21 janv. 2009, 20:38
Localisation : SARREBOURG
Contact :

Les vieux ...

Message par Robert »

Il arrive que mes doigts courent et dansent sur mon clavier comme petits rats de l'opéra ... Ce matin, j'ai la main un peu lourde et mes doigts sont bien gourds.

Car insidieusement, j'ai intégré cet état conféré par l'accumulation des années; il m'arrive de l'oublier, mais comme l'habitude au pied sûr, cette insidieuse pensée me revient.
Dans ses "lettres de mon moulin", Alphonse Daudet a intitulé l'une de ses missives "les vieux". Il l'a fait avec grâce, d'une plume alerte et sans amertume. Sans doute a-t-il écrit cette lettre alors qu'il était encore jeune. Ce n'est plus mon état et je sens que je vais peiner à être aussi détaché ...

Une expression qui se voudrait amusante qualifie les vieux de "Tamalou" (tu as mal où ?) et de m'interroger, endossant le lourd habit vert de nos académiciens, aux fins de savoir comment écrire ce vocable nouveau au pluriel : Talalous, tamaloù, tamaloux ? J'ai choisi cette dernière écriture pour qu'elle intègre la liste jolie des mots en "ou" qui font leur pluriel en "oux" ... Bijoux, cailloux, choux, genoux, hiboux, joujoux, poux, ... tamaloux.

Il faut bien rire pour ne pas pleurer.

Hier donc, j'ai rendu visite en "maison" à un couple d'amis qui a intégré à la fois la catégorie d'âge désignée sous le vocable "nonagénaires" et une maison où l'on vit le reste de son âge. Reste convient bien.

Ils s'appellent Robert et Thérèse. Nous avons un temps bourlingué de concert, par monts et par vaux, au "temps de notre jeunesse" ... naguère.
Mais nous sommes bien au jour d'hui !
Lui, décharné, toute sa tête, pleine de souvenirs ; trop conscient de son état et de sa situation pour ne pas être aigri. Humour intact, mais qui s'est teinté de noir. A se demander s'il ne serait pas mieux, s'il était moins conscient des choses, à l'instar de sa moitié, dont l'esprit s'envole souvent vers un monde complètement virtuel. Encore jolie, Thérèse. Une peau presque sans ride, bien coiffée, coquette, ses propos alternent entre raison et déraison.

L'établissement où s'étiolent nos amis est parfait sur le plan matériel. Tout concourt au bien-être des résidents, conception des bâtiments, cadre bucolique, propreté méticuleuse et modernité. Mais Robert le sent bien et le déplore, il y manque l'essentiel, une AME.
La petite grand-mère qui est à notre table geint. Elle se tient le ventre. Elle a très mal et son visage dit sa souffrance ... mais il n'y a personne pour l'entourer, la rassurer, la soulager. Elle demeure seule, dans son monde clos, dans sa souffrance. Si proche et si loin déjà.

.........................

J'ai apporté avec moi des photos du temps jadis quand Robert, Louis, un autre ami, aujourd'hui disparu et moi entreprenions de folles randonnées à bicyclette, chargés comme des mules.
Souvenirs si clairs : Paysages, soleils qui écrasent la route, orages cataclysmiques, montées héroiques ... Et ce jour là où, lestés d'un copieux civet de sanglier à son pied nous avions eu tant de mal à grimper le petit col du Labouret. Et ce poulet rôti, acheté au marché de Digne, dévoré sans couteau ni fourchette sur un escalier d'un jardin public tout en jetant les os à un chien errant de passage, et ces champs de lavande, et ces siestes mémorables de louis qui s'endormait dans l'herbe en un instant, et cette bière bue dans un bistrot de village où la glace était tant ornée de chiures de mouches qu'elle ne reflétait plus rien, et ces champs de lavandins en fleurs, et ces sublimes gorges du Verdon, et les oliviers du plateau de Valensole, et le temps des récoltes des abricots ou des vendanges, et ce restaurant où nous avions si mal mangé que Louis s'était posté à son entrée, près du libellé du menu, aux fins de dissuader les clients potentiels d'y entrer et ... et ... et ... Je pourrais en écrire un roman si ...

Un temps, en cette fin d'avril, nous avons voyagé sans bagages, loin de la vieillesse et de ses miasmes.

Au revoir les amis.

J'embrasse Thérèse, serre la main ferme de Robert.
Il me remercie de ce moment d'évasion, qui l'a porté loin de la réalité cruelle.
Nous reviendrons bientôt, Robert ...
Avatar du membre
callune
Messages : 16937
Enregistré le : 08 juil. 2017, 21:59
Localisation : Puy de Dôme
Contact :

Re: Les vieux ...

Message par callune »

oui c'est chouette que tu puisses leur donner de ton temps et de ton énergie :D
Je suppose qu'il faut tout de même du courage alors bravo
On peut vivre de belles choses par l'évocation d'heureux souvenirs et c'est bon ! ;)
Répondre